Nous parlons d’élevage de plein air pour inclure toutes les formes d’élevage valorisant les ressources fourragères par le pâturage des animaux. Cela comprend le pastoralisme, spécifique aux zones de montagne et aux parcours sur de grandes surfaces valorisant une flore spontanée, ainsi que toutes les formes de valorisation de la ressource herbagère dans les autres territoires (plaines, bocages…)
Des origines à aujourd’hui
Les hommes ont commencé à élever des animaux entre -10 000 ans et – 5 000 ans, période correspondant au début du Néolithique. Les animaux domestiquées sont principalement des brebis, des chèvres, des vaches et des chevaux, ils permettent de fournir des produits alimentaires (viande-lait), des produits non alimentaires (laine-cuir), des services (traction), mais aussi une production de fumier indispensable pour l’amendement des sols.
Plus récemment a été mis en avant le rôle du pâturage sur l’environnement, la biodiversité et l’entretien des paysages. Mais aussi dans un contexte d’exode rural, l’élevage et garant du maintien d’une économie locale et d’un tissu social.
En zone de montagne, où le pâturage n’est permis qu’une partie de l’année, les troupeaux sont gardés par des bergers, à l’inverse des zones d’élevage en plaine où l’utilisation des clôtures permet aux éleveurs de se libérer du temps pour des travaux des champs ou encore d’aspirer à une vie moins astreignante : du temps libéré pour profiter d’une vie familiale, sociale comme tout citoyen.
Conduire les troupeaux en estives, c’est-à-dire sur la zone de pâturage pour l’été, se nomme la transhumance.
La transhumance vient d’être reconnue à l’Unesco au titre du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. L’enjeu principal de cette reconnaissance est la transmission de pratiques et de savoir-faire millénaires. (https://ich.unesco.org/fr/RL/la-transhumance-deplacement-saisonnier-de-troupeaux-le-long-des-routes-migratoires-en-mediterranee-et-dans-les-alpes-01470)
Les principales estives se situent sur les massifs Alpins, des Pyrénées, du Massif central et des Vosges.
Il est d’ailleurs intéressant de noter l’origine du nom « Alpes » dont la notion première est le « pâturage d’altitude », c’est donc le mot Alpage qui a donné son nom au célèbre massif !
Atouts pour l’environnement et la biodiversité
Les prairies, milieux maintenus ouverts grâce au pâturage, sont reconnues comme un réservoir de biodiversité d’une richesse bien plus grande que celle que l’on peut trouver dans des milieux fermés. De nombreux scientifiques attestent cela :
De plus ces prairies représentent un véritable piège à carbone.
L’élevage de plein air, par l’entretien de ces prairies est donc un formidable exemple de protection de l’environnement en adéquation avec le développement des activités humaines.
La dent des herbivores, en broutant régulièrement les parcours ligneux (landes, maquis, garrigues, forêts) joue aussi un rôle important dans la prévention et la propagation des incendies, malheureusement ce constat ne se mesure pleinement que lorsqu’il est mis en évidence suite à une absence de pâturage. (https://www.europe1.fr/societe/incendies-la-propagation-en-partie-due-au-loup-3397721)
Pour le risque des avalanches, nous constatons que l’abandon du pâturage fait reposer le manteau neigeux sur une végétation qui ne permet pas de le fixer convenablement. Richard Lambert expert en nivologie, dans son ouvrage « Alpes et Avalanches », montre les mécanismes qui par l’abandon des pratiques pastorales construisent l’instabilité du manteau neigeux. Cette fonction protectrice est aussi soulignée par Christophe Ancey, chercheur en hydraulique environnementale, dans son guide « Neige et Avalanches » 1996.
Enfin, lorsque nous parlons de biodiversité, il faut aussi prendre en compte la biodiversité des animaux domestiques. Il existe de nombreuses races pour chaque espèce, chacune étant adaptée aux spécifiés de son territoire. Plus de 50 races ovines, 39 races bovines, 11 races caprines, et plus de 40 races équines et asines. https://www.racesdefrance.fr/
Rôle de l’agriculture sur la biodiversité
Atout économique et sociales des zones rurales
Dans certains territoires les éleveurs sont les seuls acteurs économiques, les derniers à résister après le démantèlement de l’industrie dans pratiquement tous les domaines et dans toutes les régions.
Cette activité économique permet le maintien d’un tissu social, écoles, commerces, services publics…
La beauté des paysages qui attire de nombreux touristes, l’utilisation des chemins, la prévention des avalanches sur les pistes de skis, etc… sont autant de richesses économiques de l’activité touristiques permises par la présence indispensable de l’élevage.
De plus le besoin d’une souveraineté alimentaire et la nécessité de relocaliser notre alimentation, mis en évidence par la crise sanitaire que nous traversons, ne peut que nous conduire à agir pour sauvegarder cette économie locale.
Des produits de qualité
Toutes ces animaux domestiques adaptées à leur territoire permettent aux éleveurs de proposer des produits de grande qualité. Dépendant de la pousse de l’herbe, et donc des saisons, l’élevage de plein air est de fait un gage de bien-être animal. Ce bien-être participe à la qualité des produits.
Qu’ils soient en label bio, en Aoc ou Aop, Igp, Stg ou Label Rouge, une liste bien longue qui prouve la qualité et la diversité de tous ces produits.
Pour exemple, en France il existe 8 familles de fromage comptant entre 1200 et 1500 fromages, voir plus suivant les sources !
Richesse culturelle
L’élevage de plein air, le pastoralisme, la transhumance, pratiqués depuis la nuit des temps ont permis d’acquérir et de transmettre un savoir immense sur l’élevage des animaux, la gestion du territoire pâturé pour préserver la ressource herbagère d’une année sur l’autre, l’utilisation de l’eau, travailler avec les contraintes du relief et de la météo, évoluer avec les risques naturels, c’est-à-dire avoir une parfaite connaissance de l’environnement dans lequel évolue les éleveurs et bergers. Connaitre la faune et la flore présentent, savoir qu’il faut préserver tel herbe pour l’automne et faire manger celle-ci au printemps. Des milliers de connaissances pour conduire un troupeau, transmises de génération en génération, et dans chaque région un vocabulaire spécifique pour nommer les animaux en fonction de leur âge, de leur « rôle » ou leur stade de production dans le troupeau (voir le livre sur la transhumance ne Cévennes).
Il y a des rituels et des pratiques sociales, en fonction des saisons et des actions sur les troupeaux. De la montée en estive à la descente, de la tonte à la pose des sonnailles, etc…
Sonnailles qui portent chacune un nom en fonction de leur taille, et donc un son différent, qu’elles soient pour la transhumance, pour la durée de l’estive, pour des vaches, brebis, chèvres ou chevaux à chacun ses spécificités. (Un site sur les sonnailles)
Tous ceci s’accompagne d’un savoir-faire artisanal pour la fabrication des objets en cuir, en fer ou en bois, comme les colliers…
En résumé…
C’est donc nous le voyons bien, la « fabrication » d’un paysage par le pâturage, qui en plus de nous offrir des panoramas magnifiques que nous aimons, participe à la préservation de l’environnement, à la protection de la biodiversité, au maintien d’un tissu social sur un territoire, tout en proposant des produits de grande qualité. La somme de tout cela en fait une richesse peu égalée que nous avons le devoir de préserver pour un avenir véritablement résilient. S’il est nécessaire de dénoncer des activités humaines destructrices de l’environnement, il est primordial de mettre en avant toutes les situations où l’humain est, par ses activités, en symbiose avec une nature dont il fait partie, tel est le cas de l’élevage de plein air.